publicado na Revista L’actualité

Les radiographies dentaires sont-elles sûres ?

Les craintes concernant l’exposition à des rayonnements excessifs lors de radiographies dentaires interproximales ne sont pas fondées si l’on se penche sur les chiffres.

4 février 2025

Tetra Images / Getty Images ; montage : L’actualité

Des radiographies de nos dents sont périodiquement prescrites par les dentistes, mais savez-vous ce qui revient aussi régulièrement ? La médiatisation du prétendu danger et de la surutilisation de ces radiographies dentaires.

En 2012, nous avons été effrayés à l’idée que ces images de routine puissent causer un méningiome, un cancer des fines membranes qui enveloppent notre cerveau et notre moelle épinière. Peu importe, comme l’ont noté les Drs Steve Hendry et Grant Ritchey pour Science-Based Medicine, que l’étude repose entièrement sur le souvenir qu’ont les participants du nombre de radiographies dentaires qu’ils ont subies depuis leur enfance et du type de radiographie (un exploit presque impossible si l’on vise la précision), et que le lien avec le méningiome n’existe tout simplement pas lorsqu’il s’agit de radiographies de la bouche entière, qui émettent une dose de rayonnement beaucoup plus élevée. « La peur fait vendre, ont souligné les dentistes, et les médias en raffolent. »

Quatre ans plus tard, un économiste de la santé a écrit un article dans le New York Times pour dénoncer l’utilisation excessive des rayons X dans les cabinets dentaires. « Quand les dentistes font des radiographies interproximales lors des visites de routine, ils doublent peut-être leurs revenus », a-t-il fait remarquer.

Cette année, c’est au tour d’un article d’Ars Technica au titre provocateur, « La nécessité des radiographies dentaires de routine n’est pas prouvée — les experts veulent que cela cesse ».

Avons-nous besoin de cette dose périodique de rayonnement sur le fauteuil du dentiste ou devrions-nous apprendre à dire non pour protéger notre santé et notre portefeuille ?

Un appétit pour de meilleures données 

La radiographie dentaire est courante : le National Council on Radiation Protection and Measurements des États-Unis a estimé à 320 millions le nombre de procédures de ce type effectuées aux États-Unis en 2016, ce qui correspondait au nombre de personnes vivant aux États-Unis cette année-là.

La radiographie la plus courante réalisée chez le dentiste est la radiographie interproximale. Un film ou (plus couramment aujourd’hui) un capteur numérique en forme de T (appelé « aile ») est inséré dans la bouche et vous le « mordez » avant que la radiographie soit prise (d’où le nom « bitewing » en anglais). Les radiographies de ce type montrent les couronnes des dents du haut et du bas sur une seule image.

D’autres types de procédures radiographiques dentaires, impliquant des niveaux de rayonnement plus élevés, peuvent être faits, comme une série de radiographies de la bouche entière (consistant en 18 images distinctes chez les adultes et 12 images chez les enfants) et même un genre de tomodensitométrie appelé tomographie à faisceau conique.

(Il est important de souligner que cette analyse ne faisait pas partie de l’essai initial et qu’elle a été faite après l’étude. Ces « analyses secondaires » doivent être reproduites dans des études conçues à cet effet, car il est toujours possible de torturer un ensemble de données suffisamment longtemps pour en tirer un résultat positif par le seul effet du hasard.)

Lorsque l’organisation Cochrane, spécialisée dans la synthèse des données probantes relatives aux interventions médicales, a examiné les études portant sur le rôle des rayons X dans la détection des caries dentaires précoces, le résultat a été le même. Les rayons X semblent parfois ne pas détecter les caries, mais les études ont rarement été réalisées sur des patients humains (elles ont plutôt été menées sur des dents déjà extraites) et la qualité des preuves était faible. Je ne pense pas que l’on puisse affirmer que les radiographies dentaires sont inutiles ou nocives, car les recherches scientifiques conduites jusqu’à présent sont tout simplement insuffisantes.

Pour situer un peu le contexte, le concept de médecine fondée sur des données probantes est relativement récent, puisqu’il a été baptisé ainsi au début des années 1990. Auparavant, les traitements étaient choisis d’après notre compréhension croissante du corps humain, et il suffisait qu’un éminent médecin proclame qu’un traitement fonctionnait sur ses patients pour que celui-ci devienne un pilier de la médecine. La médecine fondée sur les preuves a remis en cause cette situation en invitant les professionnels de la santé à prendre en compte le poids des preuves et en leur apprenant que toutes les études ne se valent pas. Le choix d’un traitement ne devrait pas se faire en fonction de la tradition, mais découler d’une expérimentation rigoureuse et être remis en question lorsque de meilleures preuves sont publiées. Les essais cliniques randomisés ont gagné en popularité et l’ensemble des données probantes ont été obtenues grâce au recours à des examens systématiques et à des méta-analyses des données accessibles.

Mais d’autres disciplines de santé ont pris du retard, notamment la dentisterie. De nombreux articles sur les rayons X publiés dans la littérature dentaire concluent à la nécessité de réaliser d’autres études, et cette fois-ci, il ne s’agit pas d’une simple ligne symbolique. Il est difficile de trouver des données fiables.

Que doit donc faire le dentiste en attendant ?

C’est la dose qui fait le poison

J’ai contacté un certain nombre d’associations dentaires, qui conviennent toutes qu’il appartient au dentiste d’user de son jugement professionnel pour déterminer la fréquence des radiographies. Comme l’Association dentaire canadienne me l’a indiqué par courrier électronique, « le respect de [ses] recommandations est toujours volontaire », car elle n’est pas un organisme de réglementation. Sa prise de position souligne la nécessité pour le dentiste d’examiner d’abord le patient, plutôt que de procéder automatiquement à des radiographies. Le Collège royal des chirurgiens-dentistes de l’Ontario est d’accord sur ce point. Ce n’est toutefois pas ce que j’ai constaté. Les radiographies sont toujours la toute première chose que l’on me fait lors d’un examen dentaire de routine.

L’American Dental Association (ADA), dans un document de 2012, va plus loin dans ses recommandations. Pour un patient qui revient, qui n’a pas de caries et qui ne présente pas de risque accru d’en voir se former, l’ADA recommande un délai d’un à deux ans entre les radiographies interproximales pour les enfants, d’un an et demi à trois ans pour les adolescents et de deux à trois ans pour les adultes. Pour les enfants et les adolescents plus sujets aux caries, l’intervalle est réduit à une période de six mois à un an, et pour les adultes, à une période de six mois à un an et demi.

Toute cette attention portée aux caries peut nous faire oublier que les radiographies dentaires ne servent pas uniquement à les prévenir. Elles peuvent être indiquées pour surveiller les maladies des gencives, pour examiner les gonflements, les saignements ou la sensibilité inexpliquée des dents, ainsi que l’effet des traumatismes sur le visage et les dents. Le moment choisi pour faire des radiographies dentaires n’est donc pas le même pour tous. Les dentistes doivent tenir compte de la santé buccodentaire du patient, de son âge, du risque de maladie et de tout symptôme signalé. L’Association dentaire canadienne m’a écrit : « Les radiographies ne doivent pas être faites simplement parce qu’une période déterminée s’est écoulée depuis le dernier examen radiographique. » Cette opinion est reprise sur le site Web du Collège royal des chirurgiens-dentistes de l’Ontario : « Une décision concernant les radiographies ne doit jamais être basée uniquement sur des périodes inflexibles telles que des radiographies interproximales tous les six mois. »

Mais si les dentistes font vraiment un usage excessif des rayons X, ou s’ils sont simplement trop prompts à se fier à la règle des six mois, sommes-nous lésés en tant que patients ? Les rayons X sont un type de rayonnement ionisant connu pour faire muter notre ADN, et une trop grande quantité de ce rayonnement peut provoquer un cancer. La dose que nous absorbons lors d’une radiographie interproximale est toutefois très, très, très faible. Une seule radiographie de type « bitewing », réalisée à l’aide d’un instrument numérique et non d’un film à développer, est de l’ordre de 0,3 à 5 microsieverts (µSv). Le sievert est une unité qui mesure la quantité de rayonnement effectivement reçue par une partie du corps. Cette unité est différente de la dose émise par la machine ; les sieverts tiennent compte du fait que les différentes parties du corps absorbent différemment les rayonnements.

On parle généralement de microsieverts ou de millisieverts lorsqu’il s’agit de rayonnements affectant l’homme, et il y a 1 000 microsieverts (µSv) dans un millisievert (mSv). Par souci de cohérence, je m’en tiendrai aux microsieverts. Pour en revenir à nos radiographies interproximales, en comparaison, une radiographie du thorax émet une dose de 100 µSv, soit deux ordres de grandeur de plus. Un tomodensitogramme (scan) de la tête émet une dose d’environ 1 000 µSv. C’est à partir d’une dose efficace de 500 000 µSv que les personnes commencent à présenter des symptômes d’empoisonnement aux radiations.

Toujours inquiet à propos de cette radiographie dentaire ? Un vol d’une côte à l’autre des États-Unis vous expose à 35 µSv, ce qui signifie qu’un aller-retour irradie votre corps de l’équivalent d’au moins une douzaine de radiographies dentaires. Vous avez peur de prendre l’avion ? La Commission de réglementation nucléaire des États-Unis rappelle qu’un Américain moyen reçoit environ 6 200 µSv par an, dont une moitié provient du rayonnement naturel (c’est-à-dire du rayonnement cosmique qui pénètre dans notre atmosphère et des matières radioactives présentes sur Terre) et l’autre moitié de sources artificielles, y compris l’imagerie médicale. Même si l’on exclut ces sources artificielles, cela représente une moyenne de 8,5 µSv par jour de rayonnement naturel, contre de 0,3 à 5 µSv pour la radiographie interproximale. J’espère que cette comparaison aidera à replacer les chiffres dont nous parlons dans leur contexte. Même si l’on présume que toutes les expositions aux rayonnements ionisants s’additionnent au cours d’une vie (et ce principe est controversé), il s’agit de chiffres incroyablement minuscules.

La dose de rayonnement reçue chez le dentiste est si faible de nos jours que le tablier de plomb n’est même plus nécessaire. J’ai contacté le Dr Grant Ritchey, dentiste au Kansas, qui me l’a confirmé. « Nous l’utilisons toujours, m’a-t-il écrit, car je pense que les patients se sentent ainsi en sécurité. Mais c’est surtout du théâtre, à mon avis. » Même réponse de la part du Dr Mark Grossman, un dentiste qui a déjà écrit pour notre organisation : il s’en sert toujours parce que ce n’est pas nuisible et que cela peut rassurer le patient.

Le personnel dentaire qui fait plusieurs radiographies par jour est évidemment plus exposé, mais un calcul rapide révèle que le risque est loin d’être catastrophique. Prenons la dose efficace la plus élevée pour une radiographie interproximale, soit 5 µSv, et supposons qu’il y en ait deux par patient. Osons également présumer que notre dentiste imaginaire recevra exactement la même dose efficace que le patient lorsqu’il prendra la radiographie, ce qui n’est tout simplement pas le cas. Et imaginons qu’il le fasse pour huit patients chaque jour, cinq jours par semaine, 52 semaines par an. Il recevrait alors une dose effective de 20 800 µSv par an. Si l’on ajoute à cela le rayonnement de fond et l’exposition aux sources artificielles de rayonnement, soit 6 200 µSv, notre dentiste se retrouverait avec 27 000 µSv par an.

Ce chiffre reste bien inférieur à la dose annuelle maximale admissible de rayonnements ionisants de 50 000 µSv pour les professionnels de la santé, selon l’American Dental Association. Certes, d’autres types d’imagerie radiographique émettent des doses de rayonnement plus élevées, mais notre dentiste est loin d’absorber la dose reçue par le patient. Même lorsque nous grimpons jusqu’à des niveaux ridicules dans notre scénario théorique, l’irradiation n’est pas calamiteuse.

Avant d’accuser les dentistes d’avoir la gâchette facile avec leur appareil à rayons X, je tiens à rappeler un concept enseigné à tous ceux qui sont amenés à en administrer dans un environnement clinique : le principe ALARA (de l’anglais « as low as reasonably achievable », qui signifie « aussi faible que raisonnablement possible »). Cela signifie que les dentistes et les médecins doivent réduire au minimum l’exposition de leurs patients aux rayonnements. L’idée sous-jacente à ce principe (et à d’autres principes similaires, tels que « so far as is reasonably practicable ») remonte aux années 1970. Ce n’est donc pas nouveau, et ce concept a été précisément cité par l’Association dentaire canadienne dans sa réponse à ma question.

Alors, que nous reste-t-il à faire ? Il y a l’argument financier. Il se peut que certains dentistes fassent plus de radiographies que requis afin de facturer plus cher. Si vous n’avez pas d’assurance et que vous devez payer ces radiographies de votre poche, vous pouvez demander à votre dentiste pourquoi il les croit nécessaires si rapidement et pourquoi il ne vous a pas fait ouvrir la bouche d’abord. Si vous avez une assurance, le coût personnel est moins élevé, mais il est évident que le fardeau global des procédures surprescrites a des répercussions sur les primes.

Outre le préjudice économique, je ne vois pas en quoi le fait de passer des radiographies tous les six mois va augmenter les dommages causés au corps par les rayonnements par rapport à une radiographie tous les deux ou trois ans. La dose est presque insignifiante.

Il se peut très bien que les dentistes en fassent un usage excessif et que cette technique produise trop de résultats faussement négatifs, mais la seule façon de le savoir avec certitude sera de financer des essais cliniques randomisés bien conçus.

Il est peut-être temps pour les dentistes d’ouvrir grand la bouche et de recevoir une bonne dose de médecine factuelle.

Message à retenir :

  • Les radiographies interproximales (« bitewing ») sont celles qui vous demandent de mordre un capteur en forme de T chez le dentiste.
  • Certaines études montrent que les dentistes qui s’y fient trop risquent de passer à côté de caries précoces, mais la qualité de l’ensemble des preuves est trop faible pour que l’on puisse conclure quoi que ce soit pour le moment.
  • Même si les radiographies interproximales sont trop fréquentes, leur dose de rayonnement est insignifiante par rapport à celle à laquelle nous sommes exposés chaque jour en raison du rayonnement cosmique et des matières radioactives présentes dans la terre.